Introduction : le burn-out des femmes, on en parle ?
Le burn-out – ou épuisement professionnel – touche de plus en plus de personnes dans notre société.
L’Organisation Mondiale de la Santé le définit comme « un syndrome résultant d’un stress chronique au travail qui n’a pas été correctement géré », caractérisé par trois dimensions principales :
- Un épuisement émotionnel et physique profond qui ne disparaît pas avec le repos.
- Un détachement cynique vis-à-vis du travail et des autres.
- Une perte d’efficacité et du sentiment d’accomplissement.
Il ne s’agit pas d’une simple fatigue passagère ou d’un « coup de mou ».C’est comme si votre batterie interne se vidait progressivement sans jamais pouvoir se recharger complètement, malgré vos efforts.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Selon les dernières études de la DARES, près de 2,5 millions de personnes vivent un « burn-out sévère » en France.
Cela ne relève pas de la coïncidence. C’est un phénomène massif, enraciné dans des structures sociales, culturelles et économiques. Peut-être même que vous en ressentez déjà les effets, sans toujours pouvoir les nommer.
Plus inquiétant encore, les femmes sont 1,5 à 2 fois plus touchées que les hommes, selon Santé Publique France.
Ce déséquilibre entre les genres n’est pas anodin : il reflète des pressions spécifiques, souvent silencieuses, qui pèsent de façon disproportionnée sur les femmes.
Dans cet article, on va explorer ce qui rend le burn-out féminin si particulier, pourquoi il est souvent difficile à identifier à temps, et surtout : quelles sont les voies possibles pour aller mieux, sans perdre ce qui fait votre force.
Le burn-out au féminin : quand l’invisible pèse lourd
Claire, 48 ans, directrice technique dans un groupe industriel :
« Je me souviens encore de ce matin où je n’ai pas pu sortir de mon lit. Littéralement. Mon corps refusait de bouger. Mon cerveau était comme enveloppé de coton.
Pendant des mois, j’avais géré un projet majeur, enchaîné les réunions tardives, tout en continuant à m’occuper des devoirs des enfants, des courses, des rendez-vous pour ma mère vieillissante. Je répondais présente partout, toujours avec ce sourire professionnel.
Le pire ? Je ne l’ai pas vu venir. Ou plutôt, j’ai refusé de voir les signes : insomnies, migraines, cette fatigue qui ne partait jamais… Je pensais que c’était normal, que tout le monde vivait comme ça. Que c’était le prix à payer pour être une femme qui réussit. »
Ce témoignage vous semble-t-il familier ? Peut-être reconnaissez-vous certains de ces sentiments, cette impression de courir sans cesse sans jamais atteindre la ligne d’arrivée ?
Le burn-out est multi symptomatique. Ses manifestations varient beaucoup d’une personne à l’autre, tant dans leur nature que dans leur intensité.
Certains présenteront surtout des signes physiques (fatigue, troubles du sommeil), d’autres plutôt des symptômes émotionnels (anxiété, irritabilité, perte de motivation) ou cognitifs (troubles de la mémoire, difficultés de concentration).
Ce qui rend le burn-out féminin si particulier
Les injonctions contradictoires, un piège
Est-ce que vous aussi vous vivez l’une ou l’autre de ces situations ?
N’attend-on pas de vous ? :
- Que vous soyez assertive mais pas « trop » pour ne pas être perçue comme difficile.
- Que vous soyez ambitieuse, mais pas « trop » (au risque d’être perçue comme agressive).
- Que vous preniez soin de votre apparence, mais sans y accorder « trop » d’importance et sembler superficielle.
Ne vous est-il pas arrivé de souhaiter ? :
- Être une professionnelle accomplie et disponible tout en étant une mère avec une présence de qualité pour ses enfants.
- Pouvoir demander de l’aide sans sembler faible ou incompétente.
C’est comme marcher en équilibre sur un fil, en permanence. Parce que, peu importe ce que vous faites, il y aura toujours un reproche, une suspicion, un « tu devrais… ».
Ces doubles contraintes créent une tension permanente : quoi que vous fassiez, vous risquez d’être jugée. Cette dissonance cognitive chronique est un facteur majeur d’épuisement émotionnel.
Ces injonctions contradictoires ne reflètent pas votre valeur réelle. Elles témoignent des attentes irréalistes que la société place sur les épaules des femmes.
La charge mentale
La « charge mentale » est ce travail d’organisation et de planification constant que vous portez peut-être sans même vous en rendre compte. C’est penser aux courses tout en travaillant, se rappeler des rendez-vous médicaux pendant une réunion, anticiper les besoins de chacun avant même qu’ils ne les expriment à la maison, au bureau, tout le temps.
La charge mentale, c’est ça. Ce flux constant de pensées, de micro-tâches, de rappels mentaux. Un bruit de fond permanent qui ne s’arrête jamais. Même quand vous vous posez, votre cerveau continue à tourner.
Une étude de l’INED (Institut National d’Études Démographiques) révèle que 75% des femmes déclarent être « la personne qui pense à tout » au sein du foyer, même lorsqu’elles occupent des postes à haute responsabilité.
Rappelez-vous : cette charge n’est pas une obligation naturelle. Elle n’est pas inscrite dans votre ADN. Elle est le fruit d’une construction sociale, elle vient d’une habitude collective. Vous n’avez pas à porter seule ce poids invisible.
La double, voire triple journée des femmes
Selon l’INSEE, les femmes consacrent encore en moyenne 3h26 par jour aux tâches domestiques, contre 2h pour les hommes. Mais au-delà du temps effectif, c’est cette responsabilité permanente qui épuise.
Votre journée de travail ne s’arrête pas quand vous quittez votre bureau, n’est-ce pas ?
Elle se poursuit à la maison, avec une seconde journée dédiée aux tâches domestiques et familiales, et parfois une troisième consacrée aux soins des proches dépendants ou à des activités bénévoles par exemple.
L’OCDE estime que les femmes consacrent en moyenne 2 heures de plus par jour que les hommes au travail non rémunéré.
Deux heures, chaque jour. Sur une semaine, un mois, une année ? C’est un second job à plein temps. Cette surcharge chronique consume progressivement vos ressources vitales.
Vous n’êtes pas moins organisée ou moins efficace que les autres. Vous faites face à une réalité objective de surcharge qui épuiserait n’importe qui.
Discrimination et « échelon brisé » : la nécessité d’en faire toujours plus
Dans de nombreux secteurs, particulièrement les domaines techniques et scientifiques, vous devez constamment prouver votre légitimité.
Selon le rapport « Global Gender Gap » du Forum Économique Mondial, les femmes doivent fournir 30% de travail supplémentaire pour être évaluées aussi positivement que leurs collègues masculins.
Selon le rapport 2024 du Forum Économique Mondial sur la parité, il faudrait encore 131 ans pour atteindre la parité totale au rythme actuel.
Concrètement, ça veut dire quoi ?
C’est :
- Travailler plus pour obtenir le même crédit.
- Naviguer dans des entreprises pensées par et pour des hommes.
- Supporter quotidiennement des remarques, des doutes, des exclusions subtiles.
- Se fondre dans un moule qui n’a pas été taillé pour elles.
Une étude de McKinsey & Company révèle que 73% des femmes cadres rapportent avoir dû adapter leur comportement pour s’intégrer dans leur environnement professionnel, contre 41% des hommes. Cet effort d’adaptation constant représente une charge cognitive supplémentaire.
Ce n’est pas votre compétence qui est en cause. C’est un système déséquilibré qui, sans même toujours en avoir conscience, impose aux femmes un niveau de (sur)performance constant. Cette pression contribue directement à l’épuisement.
Les « taxes émotionnelles » invisibles
Depuis toute petite, on vous a peut-être appris à vous mettre à la place des autres. À être attentive, disponible, compréhensive.
C’est ce qu’on appelle la socialisation différenciée des genres. Cela encourage chez les femmes le développement d’une forte empathie et d’un sens des responsabilités élevé envers les autres.
Si ces qualités sont précieuses, elles peuvent aussi devenir des facteurs favorisant l’épuisement lorsqu’elles s’ajoutent à toutes les autres charges.
La culpabilité joue également un rôle central. Une étude publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology révèle que les femmes éprouvent des sentiments de culpabilité plus intenses et plus fréquents que les hommes, particulièrement concernant les conflits travail-famille. Cette culpabilité chronique érode l’estime de soi et amplifie le stress.
Et puis, il y a le métier aussi. Beaucoup de femmes exercent dans des secteurs où l’on donne beaucoup : soin, éducation, social… Des postes avec peu de marges de manœuvre, mais une énorme charge affective. (Cf. le rapport de l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail confirme que les femmes sont surreprésentées dans les professions à haute charge émotionnelle et dans les postes impliquant une forte répétitivité des tâches avec peu d’autonomie décisionnelle.)
La charge émotionnelle et la faible autonomie sont des facteurs qui favorisent l’épuisement professionnel.
Des structures de travail inadaptées
Le monde du travail tel qu’on le connaît a été pensé, à l’origine, par et pour les hommes. Des carrières linéaires, sans pause. Une disponibilité attendue 24h/24. Une séparation nette entre la vie « pro » et la vie « perso » … sauf que cette séparation, pour beaucoup de femmes, n’existe pas vraiment.
Entre les congés maternité, les temps partiels choisis (ou subis), les ajustements nécessaires pour s’occuper d’un proche, les besoins de flexibilité sont bien réels. Mais dans bien des cas, ils ne sont ni compris, ni pris en compte.
Et puis il y a ce qu’on évoque encore trop peu :
Les douleurs menstruelles, l’endométriose, la ménopause, les effets secondaires d’un traitement hormonal, les parcours PMA… autant de réalités invisibles, ignorées, ou perçues comme gênantes dans les cadres professionnels classiques.
Enfin, les systèmes d’évaluation, les critères de promotion, les normes de performance restent calqués sur un modèle unique : celui de la disponibilité totale et constante. Et tant pis pour celles et ceux qui vivent autrement.
L’étude « Women in the Workplace » de McKinsey (2023) confirme que les systèmes d’évaluation et de promotion favorisent encore des modèles de disponibilité totale incompatibles avec les réalités vécues par la plupart des femmes.
Mais soyons clair·es : ce n’est pas vous le problème. Ce sont les cadres rigides dans lesquels on tente de vous faire entrer de force. Il est plus que temps que ces structures évoluent. Pas l’inverse.
Le harcèlement et les micro-agressions comme facteur d’épuisement
On aimerait croire que ça n’arrive qu’aux autres. Et pourtant… Les chiffres sont là, brutaux : 1 femme sur 5 a été victime de harcèlement sexuel au travail au cours de sa carrière. Et dans certains milieux très masculins, c’est 1 sur 3. (CF. Enquête VIRAGE de l’INED)
Au-delà des formes explicites de harcèlement, le harcèlement moral genré et les micro-agressions quotidiennes constituent une forme de violence qui génère un état de vigilance constant et épuisant :
- Devoir réfléchir à sa tenue vestimentaire pour éviter les remarques.
- Anticiper et contrer les interruptions systématiques en réunion.
- Supporter les commentaires déplacés sur son apparence ou sa vie personnelle.
- Faire face à la minimisation de ses compétences ou de ses idées.
Et puis, il y a ce sentiment constant de devoir prouver que vous avez votre place, de rester vigilante, de garder le contrôle. C’est cette exposition chronique à l’hostilité, parfois légère, souvent niée, qui finit par vous user.
La psychiatre Marie-France Hirigoyen observe que « cette exposition chronique à l’hostilité génère un état de stress, une usure émotionnelle profonde, terreau fertile pour le burn-out ».
Non, vous ne dramatisez pas. Non, vous n’êtes pas trop sensible. Ces expériences sont objectivement toxiques et laissent des traces.
Les signaux d'alerte : apprenez à les reconnaître à temps
Le burn-out présente souvent des manifestations particulières qui peuvent passer inaperçues, tant pour vous-même que pour votre entourage. Apprendre à les identifier peut vous aider à réagir avant l’effondrement.
Signaux physiques à ne pas ignorer
Votre corps vous envoie peut-être déjà des messages d’alerte :
- Fatigue intense, résistante aux week-ends et aux vacances: Une fatigue « différente » qui persiste même après le repos.
- Troubles du sommeil paradoxaux: Épuisée mais incapable de dormir, ou dormant sans sensation de récupération.
- Douleurs chroniques inexpliquées: Maux de dos, tensions cervicales, migraines récurrentes.
- Sensibilité accrue aux infections: Rhumes, infections urinaires ou digestives à répétition.
- Dérèglements hormonaux: Cycles menstruels perturbés, aggravation des symptômes prémenstruels, troubles de la libido.
Tout ça n’est pas « dans votre tête ». Ce sont des alertes physiologiques, des balises que votre corps allume pour vous dire : « Je n’en peux plus. ».
Écouter ces signaux, ce n’est pas céder. C’est prendre soin de vous à temps.
Signaux émotionnels et cognitifs
Sur le plan psychologique, plusieurs signes devraient attirer votre attention :
- Une émotivité exacerbée: les larmes qui montent sans raison, une colère qui éclate pour une broutille.
- Détachement émotionnel: des choses qui vous faisaient plaisir avant ne vous font plus vibrer.
- Troubles de la mémoire: Oublier des rendez-vous, ne plus se souvenir de conversations récentes.
- Difficultés de concentration: Incapacité à terminer une tâche sans être distraite.
- Ruminations et pensées envahissantes liées au travail: Ressasser les problèmes professionnels pendant vos moments de détente.
- Anxiété anticipatoire: Angoisse dès le dimanche soir (ou la veille de reprise) et une anxiété plus présente en général.
- Estime de soi abimée : Impression d’imposture amplifiée – Sentiment de fraude malgré des preuves objectives de compétence.
- Désengagement : perte de motivation ou d’intérêt pour le travail.
La psychologue Aurélia Schneider observe que « les femmes en burn-out développent souvent un perfectionnisme anxieux qui aggrave leur état : plus elles s’épuisent, plus elles doutent d’elles-mêmes, et plus elles redoublent d’efforts pour compenser ».
Ce cercle vicieux n’est pas le reflet de votre valeur ou de vos capacités. C’est un mécanisme psychologique bien identifié qui peut toucher les personnes les plus compétentes.
Comportements compensatoires qui masquent l’épuisement
Avant que tout ne s’effondre, beaucoup trouvent des façons de tenir coûte que coûte. Des automatismes, des petites stratégies… qui donnent l’illusion que « ça va encore ».
- Hyperactivité compulsive : Multiplier les tâches, les projets, les engagements.
- Recours accru à des produits dits énergisants : Augmentation de la consommation de café, d’alcool, de sucre ou de stimulants en vente libre.
- Auto-négligence : Sauter des repas, négliger son apparence, reporter ses propres rendez-vous médicaux.
- Isolement social progressif : moins de textos, moins d’appels, moins d’envie de voir du monde.
Sur le papier, ça peut sembler être de la force, de la volonté. En réalité, installés dans la durée, ce sont des mécanismes d’alerte, des tentatives du corps pour tenir un déséquilibre devenu trop lourd.
Et c’est justement quand le « fonctionnement en mode survie » s’installe qu’il faut s’autoriser à demander de l’aide.
Pourquoi tarde-t-on à demander de l'aide ?
Si vous lisez cet article, peut-être avez-vous déjà reconnu certains signaux d’alerte. Pourtant, comme beaucoup de femmes, vous hésitez peut-être encore à chercher de l’aide.
Les femmes et les hommes peuvent tarder à demander de l’aide en cas d’épuisement professionnel, mais les raisons diffèrent souvent selon le genre.
Cet article se focalise sur les réticences des femmes qui s’expliquent par plusieurs mécanismes profondément ancrés qu’il est important de déconstruire.
« Je dois tenir » : au-delà du mythe de la superwoman
Il existe une forte pression sociale à tout assumer sans faillir, ce qui retarde la prise de conscience et la demande d’aide.
La croyance profondément ancrée que « tenir » est une vertu, et que demander de l’aide est un aveu de faiblesse est une des barrières les plus puissantes à la recherche d’aide.
Cette croyance est particulièrement prégnante chez les femmes qui ont construit leur identité sur leur capacité à « tout gérer ». La représentation médiatique amplifie l’image de la « femme qui fait tout » : brillante au travail, mère attentionnée, amie disponible, fille dévouée … Cette pression implicite crée un sentiment de devoir constant.
Ces modèles irréalistes créent une norme impossible à atteindre qui pousse à l’épuisement.
Vous avez le droit d’être humaine. Vous avez le droit de ne pas tout porter tous les jours.
La peur du jugement
Dans un contexte professionnel où vous devez souvent prouver davantage votre valeur, reconnaître une souffrance psychologique fait craindre d’être perçue comme « trop fragile » ou « trop émotive ».
Les alertes lancées par les femmes sont parfois ignorées ou minimisées par l’entourage professionnel. Comment ne pas se décourager de s’exprimer à nouveau par crainte d’être jugée, pathologisée, stigmatisée ?
Cette peur n’est pas infondée. La recherche de Heilman et Okimoto montre que les femmes qui expriment leur vulnérabilité au travail sont jugées moins compétentes que leurs homologues masculins dans la même situation.
Les femmes sont plus susceptibles de voir leur épuisement attribué à des « problèmes personnels » ou à une « fragilité émotionnelle » plutôt qu’à des conditions de travail objectivement difficiles.
Ce double standard est injuste, mais le reconnaître peut vous aider à ne pas internaliser ces jugements. Votre valeur professionnelle ne diminue pas parce que vous reconnaissez vos limites – au contraire.
Libérer la culpabilité pour avancer
La culpabilité est souvent le frein le plus puissant à la demande d’aide. Culpabilité de « craquer », de « laisser tomber l’équipe », de « ne pas être à la hauteur », ou simplement de prendre du temps pour soi.
Elle est tenace, cette petite voix. Elle vous murmure « tu ne peux pas lâcher maintenant », vous pousse à continuer, même quand vous n’avez plus d’énergie. Elle vous fait croire que prendre soin de vous, c’est être égoïste.
Ce sentiment se nourrit de messages sociaux profondément intériorisés qui associent la valeur des femmes à leur capacité à prendre soin des autres avant elles-mêmes.
Sans compter que l’idée de « craquer » ou de ne pas tenir le coup peut aussi être vécue comme une humiliation. Cela pousse à garder le silence et à continuer jusqu’à l’effondrement.
Déconstruire ces culpabilités est souvent la première étape thérapeutique dans le traitement du burn-out. C’est seulement en s’autorisant à prendre soin de soi qu’on peut réellement commencer à aller mieux.
Rappelez-vous : prendre soin de vous n’est pas un luxe égoïste, mais une nécessité fondamentale. Comme dans les consignes de sécurité des avions, vous devez mettre votre propre masque à oxygène avant d’aider les autres.
Le réflexe de chercher seule des solutions
Quand on sent que ça ne va plus, on commence souvent par chercher seule des réponses.
Des livres de développement perso, des podcasts sur la productivité, méthodes de gestion du temps, techniques de relaxation…
Si ces approches peuvent être utiles dans un contexte de prévention, elles s’avèrent généralement insuffisantes face à un burn-out installé. Pire, elles peuvent renforcer le sentiment d’échec lorsqu’elles ne produisent pas les résultats espérés.
« J’avais lu tous les livres sur la productivité, essayé la méditation, le sport intensif, les compléments alimentaires… Chaque nouvelle méthode qui échouait renforçait mon sentiment d’incompétence. J’étais épuisée par mes tentatives mêmes de combattre l’épuisement. » (Extrait d’un témoignage)
Ce phénomène, que les psychologues nomment « l’épuisement secondaire », survient lorsque les efforts pour gérer le burn-out deviennent eux-mêmes une source de stress et d’épuisement.
Une autre voie : se faire aider sans perdre la main
Contrairement à ce que vous pourriez craindre, demander de l’aide ne signifie pas abandonner votre pouvoir d’agir ou votre autonomie. Au contraire, c’est une démarche qui peut vous permettre de reprendre le contrôle de votre vie et de votre bien-être.
Poser des mots : nommer pour comprendre et accepter
Nommer ce que vous traversez n’est pas une simple formalité. C’est une étape cruciale qui vous permet de sortir de la confusion et du sentiment d’isolement.
Comme l’explique le psychiatre Christophe André : « Nommer sa souffrance, c’est déjà commencer à la circonscrire, à lui donner une forme que l’on peut observer avec un peu de distance. »
Cette nomination permet de :
- Sortir de la honte et de la culpabilité individuelle.
- Reconnaître la dimension systémique de votre épuisement.
- Légitimer votre expérience face à la tendance sociétale à minimiser la souffrance des femmes.
En effet, quand vous osez dire « je suis en train de m’épuiser », « je ne tiens plus », « je me perds » — vous ne vous affaiblissez pas.
Vous vous reconnectez à vous-même.
Et en nommant ce que vous ressentez, vous sortez aussi de la solitude. De la honte. Du doute.
Vous réalisez que votre burn-out n’est pas une faille personnelle, mais une réponse normale à un système anormal.
Vous n’êtes pas « trop sensible » ou « pas assez résistante ». Vous vivez une réaction normale à des circonstances anormalement exigeantes.
Accepter d’être accompagnée
Demander de l’aide, c’est parfois ce qu’il y a de plus difficile. Parce qu’on craint de perdre le contrôle. Parce qu’on s’est toujours débrouillée seule.
Accepter d’être accompagnée, ce n’est pas renoncer. C’est créer une alliance temporaire avec quelqu’un qui vous aide à retrouver vos forces, votre clarté, votre souffle.
C’est reconnaître la complexité de ce que vous traversez et vous donner les moyens d’en sortir durablement.
Plusieurs types d’accompagnement peuvent être envisagés, souvent de façon complémentaire :
- Consultation médicale pour évaluer et traiter les conséquences physiologiques du burn-out (troubles du sommeil, douleurs chroniques, etc.).
- Accompagnement psychothérapeutique pour traiter les dimensions émotionnelles et cognitives.
- Accompagnement de type thérapie corporelle pour une vision globale.
- Coaching spécialisé pour développer des stratégies concrètes de récupération.
- Groupes de parole pour briser l’isolement et partager avec des personnes vivant des situations similaires.
Le choix du professionnel est crucial. Recherchez quelqu’un qui possède une formation spécifique sur le burn-out, comprend les enjeux de genre et les pressions spécifiques aux femmes, adopte une approche respectueuse de votre rythme, vous donne des outils d’autonomisation et surtout vous fait vous sentir écoutée et respectée dès les premiers échanges.
Conclusion
Le burn-out n’est pas une faiblesse. Ce n’est pas un manque de volonté, ni une erreur de parcours.
C’est un signal. Une alerte envoyée par un corps et un esprit qui ont tenu trop longtemps, trop seuls, trop fort.
Le burn-out résulte de facteurs individuels et d’une constellation de facteurs systémiques qui créent une pression disproportionnée et souvent invisible.
Si vous vous reconnaissez dans les descriptions de cet article, sachez d’abord que votre souffrance est légitime. L’épuisement que vous ressentez n’est pas le signe que vous n’êtes « pas à la hauteur », mais plutôt que vous avez porté des charges excessives pendant trop longtemps.
Le chemin pour aller mieux n’est ni linéaire, ni rapide. Mais il existe.
Il commence souvent par une phrase simple : « Je ne veux plus continuer comme avant. »
Se remettre d’un burn-out est un processus qui demande du temps, de la patience et du soutien. Il n’existe pas de solution miracle ou de parcours standardisé, mais des approches validées qui peuvent vous aider à retrouver progressivement votre énergie, vos ressources physiques et mentales.
Ce rétablissement vous amènera sans doute à souhaiter « ne pas revenir comme avant » – cet « avant » qui vous a menée à l’épuisement – mais à construire autrement, à construire une nouvelle façon d’être au monde, professionnellement et personnellement.
Prenez le temps qu’il vous faut. Entourez-vous de personnes qui comprennent et respectent votre parcours. Écoutez vos signaux, vos besoins, vos silences.
Votre valeur ne se mesure pas à votre productivité. Prendre soin de vous n’est pas un luxe, c’est une nécessité.
Cet article a été rédigé par Help Burn-Out, service d’accompagnement spécialisé pour les femmes en situation d’épuisement professionnel. Les informations fournies sont à caractère informatif et ne remplacent pas une consultation médicale. Si vous présentez des symptômes sévères d’épuisement, consultez en priorité votre médecin traitant.
Sommaire
Ressources pour approfondir
Livres accessibles
- Burn-out : Le détecter et le prévenir – Dr. Catherine Vasey (Éditions Jouvence)
- La Charge émotionnelle et autres trucs invisibles – Emma (Massot Éditions)
- Le coût de l’excellence – Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac (édition du seuil)
- Emotions, travail et sciences sociales – Emilie Jeantet (éditions Octarès)
- La charge mentale des femmes… et celle des hommes – Aurélia Schneider (éditions Larousse)
- Le Harcèlement moral au travail – Marie-France Hirigoyen (éditions Que sais-je)
Sites et organisations
- Association France Burn-out : www.france-burnout.org
- Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail : www.anact.fr
- Institut National de Recherche et de Sécurité : www.inrs.fr
- Souffrance au Travail | SET
- Santé Publique France Accueil
Articles scientifiques
- Purvanova, R. K., & Muros, J. P. (2010). Gender differences in burnout: A meta-analysis. Journal of Vocational Behavior, 77(2), 168-185.
- Norlund, S., Reuterwall, C., Höög, J., Lindahl, B., Janlert, U., & Birgander, L. S. (2010). Burnout, working conditions and gender. BMC Public Health, 10(1), 326.
- Women in the Workplace : retour sur la représentation des femmes en entreprise depuis dix ans
